Du 15 novembre au 16 décembre 2016 s’est déroulée l’enquête publique de Bercy Charenton, le projet d’aménagement d’un nouveau quartier situé à l’est de Paris, entre, comme son nom l’indique, de l’immeuble Bercy Lumière à Bercy 2 à Charenton et, depuis 2015, la zone dite Léo Lagrange (voir notre dossier consacré).
Précisément, cette enquête portait à la fois sur l’intérêt général du projet de zone d’aménagement concertée (ZAC) sur ce secteur du 12ème arrondissement de Paris et la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme (PLU), nécessaire notamment en raison d’un projet de tour de 180 mètre de hauteur.
Le rapport de la commission d’enquête (présidée par Monsieur François Nau) devrait être rendu début 2017 au maire de Paris.
Son avis est important pour aider à la décision, normalement en 2017, la déclaration de projet (c’est-à-dire le dossier de création de la ZAC Bercy-Charenton et des modification du PLU.
Dans un dernier temps, les élus seront amenés à se prononcer sur le dossier de réalisation de la ZAC Bercy-Charenton, qui concerne son contenu définitif, et sur la désignation de l’aménageur, qui réalisera le projet.
Voici donc, ci-dessous, mes réserves rédigées sur le registre dématérialisé de l’enquête publique :
Si l’aménagement des emprises de la SNCF des deux côtés du boulevard Poniatowski jusqu’à Charenton est une bonne chose pour créer des logements modernes et écologiques, de nouveaux lieux d’emploi, de commerces, d’équipements publics et de nouvelles voies de communication, comme la rue de Baron Le Roy prolongée (désenclavant ainsi le quartier de Bercy actuel). Il est préférable que la ville s’étende plutôt que se densifie en interne, par la destruction d’immeubles existants.
Ceci dit, le projet n’est pas satisfaisant :
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Il manque d’ambition : il devrait prévoir la couverture d’une partie des voies ferrées, grâce à des moyens de financement davantage privés, permettant plus d’équipements, plus de logements et la création d’un véritable bassin d’emplois, autour d’activités commerçantes et artisanales déjà existantes dans la gare de la Rapée inférieure (cf infra), en lien avec l’histoire du site (œnologie, gastronomie et centre de création musicale et artistique), d’activités dédiées à l’agriculture urbaine, avec un centre de recherche, des incubateurs de petites entreprises innovantes, bref un vrai quartier d’avenir qui conserve l’existant ;
- En conséquence de ce qui vient d’être dit, la création de « pas japonais », au milieu des voies ferrées est un pis-aller bien faible, voire indigne d’une ville comme Paris, et qui devront être revus dans quelques années.
- La hauteur des immeubles doit être limitée pour éviter d’atteindre à l’harmonie du paysage des bords de Seine, notamment en miroir avec la zone du 13e arrondissement, de sur-densifier un territoire finalement relativement petit, privilégier un quartier à taille humaine, éviter d’ériger des remparts immobiliers qui iraient à l’encontre du mouvement de fusion, à terme des communes voisines au sein de Paris et créerait une frontière physique là où la continuité urbaine avec Charenton doit primer. Envisager des immeubles de 180 mètres, au nom d’une prétendue protection phonique, alors même que les précédents hauts immeubles de Paris ont montré leurs limites ;
- Les immeubles envisagés doivent être réellement construits selon les normes de développement durable et anticiper l’évacuation douce des déchets que leurs occupants généreront (ce qui implique là encore des financements plus ambitieux et limiter le financement par des bailleurs sociaux à bout de souffle) ;
- Un meilleur équilibre de typologie de logements. Le projet actuel prévoit trop de logements très sociaux, qui nuira à l’équilibre de diversité sociale du futur quartier. Au contraire, les 2/3 des logements envisagés devraient être privés, pour contribuer à réduire la pression foncière parisienne, en imposant une politique de prix de vente attractive (moins de 7.500 €/m²) pour les classes moyennes. Les types de logements sociaux doivent aussi être plus variés et prévoir un nombre conséquent de logements étudiants, cohérents avec le nouveau campus de l’université Paris 3 dans le quartier Picpus ;
- Préserver la gare de la Rapée inférieure (ou « tunnels Baron Le Roy »), lieu d’une valeur patrimoniale inestimable à mettre en avant, à la fois garde-manger et cellier sans besoin d’énergie extérieur grâce à des températures constantes, artisanat au cœur de la ville et potentialité d’activités nouvelles aux nuisances maîtrisées (studio d’enregistrement ou lieux de nuit) ;
- Non à l’atteinte au stade et autres équipements de Léo Lagrange. Celui est une bonne transition entre le bois, la pelouse de Reuilly et la ville. Le fait d’y construire des immeubles de logements renforcera le déséquilibre d’équipements sportifs qui ne sera pas compensé au regard de la configuration de la ZAC projetée et est une atteinte injustifiée à un site qui fait désormais partie de l’histoire de Paris ;
- Il faudrait mettre en valeur le bastion n°1 des enceintes de Thiers, un des derniers vestiges des fortification du 19e siècle ;
- Pourquoi n’y-a-t-il pas d’étude sur l’échangeur de Bercy et l’absorption de la circulation automobile ;
- La présentation du financement actuelle reste assez obscure.
Puis le 16 décembre, j’ai encore ajouté une remarque :
Toujours pour montrer que des tours de 180 mètres de haut sont inadaptées à un tel site, il faut se reporter au projet de Bernard Zehrfuss, proposé en 1966 pour l’ensemble du site de Bercy, qui comportait une tour également de la même taille, 180 mètres.
On est en droit de se demander d’ailleurs si le projet actuellement proposé n’est pas une tentative de recycler des idées des années 60-70, époque dite de « progrès », qui a aussi montré ses limites.
L’avenir est aux hauteurs plus raisonnables avec davantage d’horizontalité (la forme pyramidale recherchée par les ensemble de tours imaginées, une fois de plus, a aussi fait son temps). Les tours remparts ou totalement isolées sont inadaptées aux paysages parisiens.
Ce projet manque donc d’ambition, de créativité propre à Paris et aux besoins humains actuels.