Lac Daumesnil : la baignade prend l’eau

Le lac Daumesnil est à nouveau débattu lors du conseil d’arrondissement du 6 novembre 2017. C’est l’occasion de présenter ce projet de bassin dans le lac (1) et nos réserves légitimes, notamment concernant son coût qui a doublé en un an ainsi que les graves impacts environnementaux dénoncés par l’Inspection des sites (2).

Très longues attentes devant la piscine Roger Le Gall, le 28 juin 2015, illustrant la saturation des piscine du 12e

Bien qu’artificiellement créé en 1860 par Jean-Charles Alphand, sous l’impulsion de Napoléon III, le lac Daumesnil a été proposé comme un nouveau lieu naturel de baignade parisien dans le cadre du plan « nager à Paris » durant l’été 2015.

Il y a une vraie demande d’équipements de natation à Paris comme le prouve le succès de l’ouverture du bassin de la Villette  et la saturation des piscines du 12e arrondissement.

La photo ci-contre de la piscine Roger Le Gall, qui a la particularité d’avoir un bassin en plein air ouvert l’été, très prisé les jours de grande chaleur, illustre cette carence dans notre arrondissement.

C’est la raison pour laquelle le groupe Républicains a d’abord été favorable à l’ouverture du lac Daumesnil, lorsque nous avons été sollicités, en septembre 2016. Toutefois ce vote était réservé à au niveau du coût assuré par l’exécutif tout comme le respect de l’environnement et une gestion rigoureuse du flux des usagers.

C’est moi même qui étais intervenu sur le lac Daumesnil lors du conseil du 12 septembre 2016 (lire mon intervention).

Entre temps, les propos rassurants de l’exécutif ont été remis en cause.

Et l’examen d’une délibération, proposée au conseil d’arrondissement du 6 novembre 2017, sur le « Bilan d’avancement annuel de l’opération et avis favorable du Conseil de Paris sur le dossier présentant le projet de baignade dans le lac Daumesnil » nous donne l’occasion de dénoncer sa mise en œuvre.

Mais examinons d’abord ce projet, prévu entre la promenade Maurice Boitel et l’île de Bercy comme le montre la vue ci-dessous.

Vue extraite de la notice du permis d’aménager réalisée par la Ville de Paris – juillet 2017 – échelle 1/2500e

Un bassin dans le lac Daumesnil

A la suite de l’approbation du principe en septembre 2016, Anne Hidalgo a confié la maîtrise d’œuvre, en décembre 2016, au groupement composé de :

Début 2017, ce groupement a présenté le projet suivant : la création d’un bassin de baignade mesurera 8.000 mètres carrés, répartis en 4 zones : 2 petits bains (profondeur de 70 cm), 1 bain moyen (profondeur de 1,50 m) et 1 grand bain (profondeur de 2,50 m), ainsi qu’une zone d’accès à l’eau (plage).

Selon le permis d’aménager :

L’accès au site de la baignade du public, du personnel et des secours se fait uniquement depuis l’île de Reuilly en empruntant la route des îles. Ensuite, l’accès à la baignade se fait depuis l’île de Bercy. Les entrées dans le bain, s’élevant au nombre de quatre, doivent se faire obligatoirement par deux plateformes équipées de douches obligatoires. La première permet l’accès à la pataugeoire (appelée zone d’accès à l’eau) tandis que la seconde se situe au niveau de grand bain.

La zone “d’accès à l’eau” permet de rentrer progressivement dans la baignade avec une hauteur d’eau de 25 cm. Cette zone est reliée aux petits et moyens bains par des talus. Cet espace peut aussi servir de pataugeoire pour les plus petits. Deux rampes d’accès aux personnes à mobilité réduite accompagnent les baigneurs éprouvant des difficultés.

Ces rampes sont bordées par des mains courantes à doubles niveaux. Elles sont dimensionnées pour permettre la mise à l’eau d’un fauteuil amphibie.

Le passage vers les bains “moyens” et “grands” se fait de façon progressive par des talus inclinés. Le haut de chaque pente et de chaque changement de niveau est marqué par des bandes podotactiles blanches. Ces bandes viennent compléter l’information donnée par des écriteaux à chaque changement de bain et sont identifiées en surface par des flotteurs.

Les usagers peuvent aussi accéder à la baignade en utilisant la seconde plateforme donnant directement sur le grand bain. Des échelles seront installées pour faciliter la mise à l’eau des personnes le souhaitant.

Une continuité existe entre ces deux plateformes par un platelage linéaire faisant le lien entre les bains et la berge. Ces plateformes sont traitées en platelage bois amovibles. Elles seront chaque année ré-installées et désintallées pour restituer les berges enherbées en hiver. Sur ces deux plateformes, se trouvent des portiques de douche rendant instinctif la douche avant le bain.

Le dossier précise que l’eau, non chauffée, ne serait pas au chlore et qu’une isolation hydraulique du bassin par rapport au reste du lac serait installée.

Le projet est donc de construire des bassins en béton dans le lac.

Le développement technologique majeur concerne le recyclage et traitement de l’eau par filtration biologique. A cette fins, 2 bassins filtrants de 2 400 mètres carrés vont être implantés à proximité de la pelouse de Reuilly (voir sur la vue aérienne plus haut).

En voici une coupe extrait du dossier :

Coupe du « biofiltre » extrait de la notice du permis d’aménager réalisé par la Ville de Paris – juillet 2017 – échelle 1/2500e

S’agissant des constructions, le projet indique que les locaux techniques seront enterrés sous l’île de Bercy. Il est prévu aussi d’utiliser les deux locaux déjà existant comme le kiosque d’accueil et un local technique  reconverti en toilettes.

Les autres bâtiments censés accueillir les douches, vestiaires, bureaux, infirmeries et autres nécessités, sont présentés comme démontables. Ils seront installés de mi-juin à mi-septembre (en comptant 5 semaines pour le montage des installations et 3 semaines pour le démontage).

La fréquentation de ce nouvel équipement est estimée à 75 000 baigneurs / saison.

En revanche, le coût d’investissement est désormais de 9,5 M€. Plus du double annoncé en septembre 2016 (nous reviendrons sur ce point plus bas).

L’ouverture est prévu à l’été 2019 mais avec une installation, pour expérimentation, dès mai 2019.

L’enquête publique est envisagée de février – mars 2018 pour, après vote du conseil de Paris sur l’intérêt général du projet, délivrer le permis de délivrer en juillet 2018 et commencer les travaux dès le mois d’octobre  2018.

Les réserves du groupe Les Républicains sur ce projet, qui s’éloigne de la présentation de septembre 2016

Il n’est pas question de remettre l’intérêt de cette baignade qui vient combler les carences de l’offre
balnéaire des piscines de l’est parisien et correspond à une vraie attente pour les familles et les baigneurs en recherche de fraicheur, l’été.

Toutefois, nous avons des questions restées en suspens sur le coût et de graves craintes en matière en environnemental.

Un coût incertain et non maîtrisé

Comme cela a déjà été dit, à l’occasion du vote de la délibération de septembre 2016, l’Exécutif avançait un
montant de travaux de 4,08 M€ et un coût de fonctionnement de 450 000 € TTC. Le montant des travaux a donc doublé en un an.

Pour ne pas changer depuis que Madame Hidalgo est à sa tête, la Mairie a largement sous-estimé les coûts au départ.

Surtout qu’encore aujourd’hui, le coût de fonctionnement ne semble pas crédible, ne serait-ce que s’il inclut la masse salariale…

Nous sollicitons donc, plutôt que de s’engager dans un projet non maîtrisé qui risque l’échec financier, d’examiner le coût d’une piscine supplémentaire dans le 12e, comme nous l’avons déjà dit (le Plan nager à Paris prévoyait de créer 4 nouvelles piscines, et que l’un des projets a été abandonné (le « rachat » de la piscine du Racing dans le 7e n’a pu aboutir), il serait possible de réaffecter les crédits ainsi libérés à la création d’une piscine dans le 12e).

Des atteintes environnemental déjà dénoncé par des spécialistes

En dépit des arguments de la Maire en la matière (ci-après détaillés), ce sont les aspects environnementaux qui préoccupent le plus et qui suscitent des doutes sur le projet de baignade à Daumesnil.

Sur la forme, c’est d’autant plus flagrant que les trois-quarts de la délibération soumise le 6 novembre 2017 y sont consacrés.

Les arguments développés par le maire de Paris :

  • l’insertion paysagère de la baignade dans le site du Bois de Vincennes (choix des matériaux en conséquence, démontage des installations en dehors de la période d’exploitation, dispositifs de traitement délocalisés proximité, enterrement des cuves, etc) ;
  • aucun impact visible sur les sols et leur qualité (forme des bassins inspirée de la courbe actuelle du lac, géomembrane utilisée pour le fonds d’une couleur comparable à celle de l’eau du lac) ;
  • revégétalisation d’espaces actuellement en grave calcaire ;
  • amélioration de la gestion de l’eau (désimperméabilisation des cheminements , réduction du rejet des eaux de pluie par récupération) ;
  • diminution des îlots de chaleur par la création de nouveaux milieux aquatiques ;
  • impact faible sur la biodiversité, voire favorable au regard de la création de nouveaux espaces verts et aquatiques
  • en dehors des équipements de traitement biologiques, l’éclairage des locaux et du chauffage de l’eau des douches du personnel, aucune consommation électrique.

Vous voilà rassuré ? C’est certainement car vous n’avez pas eu connaissance du rapport au vitriol produit par la très sérieuse Inspection des sites qui est contre le projet et que Madame Hidalgo occulte.

Voici ce que ce rapport dénonce :

  • 600 mètres linéaires de béton seront injectés dans le sol ;
  • les maçonneries sous l’eau seront visibles eu égard à la faible profondeur du lac Daumesnil ;
  • l’excavation du lac nécessaire à la création d’une profondeur de 2,50 mètres pour le grand bassin est irréversible ;
  • la dégradation de l’île de Bercy ;
  • le risque de voir se développer des activités commerciales annexes (vendeurs ambulants alimentaires par exemple) ;
  • l’incertitude quant au démontage effectif des installations.

L’Inspection des sites reproche par ailleurs à la Ville de n’avoir pas approfondi d’autres hypothèses, telle que l’espace central de l’hippodrome de Vincennes et conteste le choix du Lac Daumesnil au sein d’un site classé pour une exploitation de la Baignade limitée à 3 mois (et à 5 mois en comptant les temps de montage et de démontage).

La Commission des sites, réunie le 12 octobre dernier, a néanmoins émis un avis favorable, sous la pression du Préfet qui a exigé un vote unanime des services de l’Etat.

Les associations (protection de l’environnement) ont voté contre, Yves Contassot n’a quant à lui pas pris part
au vote.

Ajouté après le 12 décembre 2017 à partir du compte-rendu officiel de la séance du 6 novembre 2017

La position du groupe Les Républicains lors du conseil d’arrondissement du 6 novembre 2017

Avant de retranscrire l’intervention de Corinne TAPIERO qui a porté la voie des républicains lors de ce conseil d’arrondissement, il importe de préciser que le maire du 12e arrondissement n’a rien trouvé de mieux que de rattacher à la délibération relative au lac Daumesnil, un vœu portant sur la réduction de moitié de la foire du trône.

Ce vœu a évidemment engendré le courroux des forains, menés par Monsieur CAMPION, déjà très remonté par l’arrêt du marché de Noël sur les Champs-Elysée.

Le conseil d’arrondissement a d’ailleurs été placé sous haute protection policière.

Madame TAPIERO n’avait donc d’autre choix que d’évoquer également ce vœu.

« Merci, Madame la Maire. Il est un peu compliqué de parler des deux sujets à la fois. Lorsque nous avons vu votre vœu sur la pelouse de Reuilly, nous n’avons pas manqué d’être étonnés qu’il soit rattaché à cette délibération. Un mot sur ces événements qui arrivent à un moment assez particulier de la fin de la grande lune de miel entre Madame HIDALGO et Monsieur CAMPION, qui a commencé par la première brouille avec la grande roue, désormais avec le marché de Noël, la Foire du Trône. Peu importe, nous n’allons pas discuter sur le fond, mais vous auriez pu tout aussi bien attaquer les cirques, au point où nous en étions, ce n’était plus la question.

Je trouve qu’il y a un opportunisme un peu dérangeant, qui n’apporte pas grand-chose au débat, qui n’enrichit pas particulièrement la délibération sur l’aménagement du lac que vous nous proposez. Sur les vœux comme sur la proposition, nous allons nous abstenir.

Mais, au préalable, je voudrais aborder quelques points concernant cette implantation de baignade. Lorsqu’on lit la délibération, ceci est une habitude de la Ville, vous êtes toujours très contents de ce que vous faites, vous êtes très rassurants sur tout, mais la voix de la Mairie qu’est parfois la Pravda – Le Parisien se fait l’écho de quelques éléments un peu différents, notamment sur l’impact environnemental que vous avez
volontairement minimisé dans cette délibération. Je reviendrai plus précisément sur ces points.

Plusieurs questions sont en suspens puisque, de toute façon, vous mettez en avant cette baignade, au détriment du choix d’une piscine. Le Plan Nager à Paris prévoyait quatre nouvelles piscines, pas dans notre arrondissement, mais dans la mesure où nous avions un projet Bercy-Charenton. Puisqu’un vœu avait été déposé par les Verts en ce sens, nous aurions aimé voir un petit élan vers ce projet. Jusqu’alors, nous n’avons absolument aucune réponse, bien que ce vœu ait été accepté par l’exécutif en Conseil de Paris. Nous attendions une étude, mais nous n’avons toujours pas de nouvelles. Ceci est une habitude. L’habitude la plus fâcheuse de la Ville porte sur les coûts. En septembre 2016, à l’occasion du vote de la délibération, l’exécutif parisien annonçait un montant de travaux de 4,08 millions d’euros et un coût de fonctionnement de 450 000 euros. Lorsqu’on lit la délibération, le budget est de 9,5 millions d’euros et présente des éléments biologiques, de biogénie. Il y a des choses très complexes. Noyer le poisson en employant des mots, c’est un peu comme lorsqu’on dit en même temps. C’est un peu la même stratégie.

Il est désolant que les impacts environnementaux aient amené l’inspection des sites à produire un rapport au vitriol contre ce projet. Ils ont relevé 600 m linéaires de béton qui seront injectés dans le sol ; les maçonneries sous l’eau seront visibles eu égard à la faible profondeur du lac ; l’excavation du lac est nécessaire à la création d’une profondeur de 2,50 m pour le grand bassin, ce qui est irréversible ; la dégradation de l’île de Bercy ; le risque de voir se développer des activités commerciales annexes : vendeurs ambulants alimentaires ; l’incertitude quant au démontage effectif des installations. L’inspection des sites vous reproche de n’avoir pas approfondi d’autres hypothèses comme l’espace central de l’hippodrome de Vincennes. Malgré tout, elle vous a donné un avis favorable puisque cela était impératif, exigé par le Préfet qui a mené ces affaires.

Nous notons techniquement, sur le projet présenté, des éléments intéressants. Vous allez au fond des choses parfois, et d’autres fois, ce n’est pas si fouillé. Vous nous dites qu’il n’y aura pas de baignade de nuit. J’aime beaucoup l’absence de baignade de nuit. Il est prévu une sorte de barrière de 2m tout autour de ce lac. Mais vous savez comme moi qu’il n’y a pas de barrière qui ne soit infranchissable, à part celle de la mauvaise volonté. Je ne vois pas ce qui empêchera l’intrusion et les baignades de nuit dans ce lac, à moins de mettre des vigiles. Tout ceci ne nous paraît pas suffisamment approfondi. Nous allons attendre que vous ayez bien avancé et mûri votre projet, et vous reviendrez la semaine prochaine.

Pour revenir un instant sur les vœux que vous présentez, Madame la Maire, il est intéressant de voir combien vous êtes acharnée, depuis que vous êtes maire, à trouver un autre lieu pour la Foire du Trône et que vous ameniez cela d’un coup. Ceci est profondément risible. Je n’aurai absolument jamais vu un engagement réel pour mettre fin aux nuisances signalées par les riverains. Je trouve cela grotesque. Merci. »

Nous nous sommes donc abstenus.

A suivre

3 Commentaires

    • Pierre sur 15 février 2018 à 16 h 56 min
    • Répondre

    En complément pour votre information,il intéressant de lire » Procès -verbal de la commission interdépartementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CIPENAF) du 9 octobre 2017
    (Annexe 3).Un projet FOU : aire de 8000 m2,capacité de 2000 baigneurs par jour (1000 baigneurs en instantané !) et ce qui est grave pour les oiseaux et la faune : »Les fientes des oiseaux d’eau (faune sauvage) fréquentant le site sont de nature à polluer la baignade
    et salir les aires de repos. Durant la période d’exploitation, un dispositif d’effarouchement de la faune fonctionnera en dehors des heures d’ouverture au public. Les réserves émises de votre part sont ridicules et n’auront aucun impact sur la réalisation .Signez la pétition monsieur Seingier
    En savoir plus sur https://94.citoyens.com/2017/75-000-baigneurs-attendus-lac-daumesnil-2019,16-11-2017.html#VAjX5QsVXfC0FXem.99

    • Martin sur 21 février 2018 à 19 h 50 min
    • Répondre

    Deja 8 milliards d euros de dettes
    Hidalgo la débranchee est dans le déni de son impopularité , sa malhonnêteté , son impuissance , sa nullité et le déni Qu elle est Que la concierge des aménageurs schizophrènes , menteurs pathologiques , affameurs, terroristes et assassins .

    • Habertus sur 9 mars 2018 à 9 h 43 min
    • Répondre

    Veillez au vote LR DANS LE BON SENS, SANS LA MOINDRE CONCESSION, sur le fameux et fumeux report , annoncé à la hâte , par la maire du XIIème, lors du très prochain Conseil d’Arrondissement, de mars 2018 vous les « LR ». Celle- ci évoque en pleine contradiction l’impossibilité de rester dans le cadre financier. Du vent! En tout cas, les contribuables ont dépensé au moins 600.000 euros. Une paille! Mme la maire commence à sentir que l’opinion est en train de virer de bord, lorsque l’on fait du béton en prétextant améliorer l’environnement. Un gag!
    Non, pas de baignade en ce lieu mythique !
    Plus question de « finasser »
    Merci pour la Nature et les habitants du XIIème et des communes voisines

    PIOTR IVAN HABERTUS

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