Lors du conseil d’arrondissement du 16 septembre 2019, Valérie Montandon a interrogé la maire du 12ème arrondissement sur le projet dit du garage Nation.
Notre groupe a appris, presque par hasard, que le garage Nation, situé au 50 rue de Picpus, a été racheté par le promoteur immobilier Emerige mais que rien n’a été annoncé aux élus du 12ème arrondissement.
Voici cette question :
Un projet immobilier de 14 bâtiments avec étages élevés et avec un taux de logements sociaux de 60 % serait prévu sur la parcelle du garage Nation, rue de Picpus. Alors que les habitants de ce quartier sont en demande forte d’espaces de respiration, quelles conditions la Mairie a-t-elle émises auprès du promoteur du projet ?
Et voici, in extenso, la réponse de M. BOUIGUE, le premier Adjoint au maire du 12e arrondissement, en charge des questions d’urbanisme, qui confirme indirectement qu’il n’y a eu aucune concertation en amont :
« Merci. Mme MONTANDON, merci de poser cette question orale qui va nous permettre de faire un point sur la situation de ce projet qui suscite de l’inquiétude, des rumeurs et qui a nécessairement un besoin d’information. Comme vous le savez, le garage Renault situé rue de Picpus est aujourd’hui une parcelle privée qui accueille plusieurs activités, une activité de station essence, une de réparation, une de show-room et de vente de voitures.
L’ensemble de ses activités génère dans le quartier des nuisances. Pour le coup, il n’y a pas de travaux, mais il y a quand même des nuisances. Avec notamment un empiétement sur l’espace public et une présence de camions avec des véhicules le matin qui ne facilitent pas la circulation des piétons, de ceux qui se rendent au travail comme de ceux qui se rendent à l’école, à l’hôpital, à la médiathèque ou autre. Depuis quelques mois, ce site fait l’objet d’étude de la part d’un promoteur immobilier qui a envie d’utiliser cette parcelle pour y développer un projet immobilier. Toutefois, à ce jour, la Ville de Paris n’a pas eu à se prononcer sur un permis de construire. Nous sommes bien en amont de cette phase-là. Le promoteur doit se conformer au Plan Local d’Urbanisme, dont la modification générale a été adoptée ici en juillet 2016. Et les dispositions sont assez claires sur cette parcelle, puisqu’elles obligent la création de logements et de logements sociaux sur le principe du 60/60, c’est-à-dire un programme qui doit comprendre 60 % de logements, parmi lesquels 60 % de logements sociaux. C’est ainsi que la parcelle est décrite dans le PLU. Le projet comporterait donc des appartements à la vente, mais aussi la création de bureaux. Vous n’êtes pas sans savoir que l’établissement public foncier qui dépend de l’État, et qui est aujourd’hui dirigé par Monsieur Geoffroy DIDIER, qui est membre de la majorité et en responsabilité au sein de la Région, est chargé d’accompagner le promoteur dans le portage financier et l’acquisition de ce site. Je pense que du côté de Monsieur DIDIER, vous aurez des informations sur le contour de ce projet, notamment sur sa partie financière. Vous en saurez probablement davantage que nous à ce jour, puisque nous sommes dans l’inconnu s’agissant de cette question. Le promoteur privé a sollicité la mairie pour avoir une indication sur nos propositions au regard de l’enjeu du site et de ses
sites dans le quartier. Nous avons donc rappelé à ce promoteur les engagements sur lesquels nous souhaiterions qu’il s’engage, afin que l’opération soit une réussite. Je voudrais vous en lister quelques-uns qui ne vous surprendront pas. Ils reprennent ceux que nous avons déjà développés sur d’autres opérations. La Maire a demandé à ce que cette parcelle puisse accueillir des équipements publics de proximité. Il a été demandé à ce que l’on puisse conserver ce qui ressort d’une logique de patrimoine. Je pense notamment à la petite maison qui est dans cet espace, à côté du garage. Nous l’avons fait avec l’université en face. Nous avons souhaité garder une partie du patrimoine. Il est normal que l’on souhaite aussi garder une partie du patrimoine en face, puisque même si ce ne sont pas exactement les mêmes époques, les deux se répondent. Il y a aussi la volonté bien évidemment de favoriser les espaces verts avec des accès au public. C’est ce que nous avons fait dans d’autres opérations, que ce soit à la caserne de Reuilly, avec les 5000 m2 de jardin, ou sur le projet gare de Lyon/Daumesnil, avec la création d’un espace vert de plus d’un hectare. Nous avons une demande similaire pour qu’il puisse y avoir des espaces de respiration à cet endroit, dans une rue de Picpus qui en a besoin. Elle est très longue,
en linéaire. Elle a vu beaucoup de projets se développer. Il y aurait ici une occasion de retravailler sur une valorisation de l’espace public et des espaces verts. Nous avons été sollicités depuis quelque temps par des riverains. Nous leur avons bien évidemment répondu. Les demandes des riverains, nous les avons relayées. Nous les avons appuyées auprès du promoteur. Nous avons justifié par le fait que certaines des interrogations, des remarques des riverains nous paraissaient pertinentes et qu’elles devaient impérativement être prises en compte par le promoteur. Comme nous l’avons fait dans nos opérations immobilières, nous avons demandé au promoteur d’aller à la rencontre des habitants et d’organiser avec eux des ateliers de concertation. Il est évident, comme pour d’autres projets, et je pense à celui que nous avons eu à développer ici et qui concernait In’Li, rue de Reuilly, que la mise en place de cette concertation avec les riverains sera l’un des points qui détermineront la position de la mairie sur le projet. Autrement dit, sans concertation avec les riverains, il n’est pas possible qu’il y ait un permis de construire validé par cette municipalité, si cette municipalité a à se prononcer, puisque les choses pourraient changer. Mais sachez où nous en sommes. Nous n’irons pas s’il n’y a pas de concertation, comme nous l’avons fait sur d’autres projets. Je voudrais aussi vous dire que nous avons fait en sorte que les riverains puissent être reçus par le promoteur. Nous avons demandé au promoteur de recevoir les riverains, constitués pour certains en association, qui demanderaient des informations sur le projet et pour pouvoir poser les questions qui sont les leurs. Je crois savoir que cela a porté ses fruits puisque sans rien dévoiler qui ne soit pas connu, il y a une réunion prévue demain entre le promoteur et les responsables de cette association. Notre action depuis plusieurs mois est de dire ce que nous voulons pour que le projet réussisse, les conditions d’intégration programmatique, les conditions de concertation avec les habitants, les conditions d’espaces verts. Et c’est dans cette démarche aujourd’hui que nous nous mettons au sein de la mairie pour pouvoir faire avancer ce projet qui est ambitieux, mais doit répondre aux objectifs fixés, qui sont certes du logement, mais aussi des espaces de respiration, activités et autres dans chacune des conquêtes urbaines que l’on peut faire dans cet arrondissement. »
A l’issue de cette longue réponse, Mme MONTANDON a tenu à reprendre la parole pour que l’exécutif (qui n’a qu’un pouvoir d’avis concernant les projets d’urbanisme) confirme « que les plans qui circulent sur l’éventuel aménagement avec les 14 bâtiments avec des étages qui partent de 10 étages et ont tendance à diminuer, mais qui resteraient quand même
globalement élevés, ne sont pas validés. » Et que « la mairie n’a pas donné son accord ni son avis sur ces plans qui circuleraient. En effet, comme vous l’avez mentionné au 82-94, rue de Reuilly, et nous serons vigilants à ce sujet, nous espérons que
nous ne ferons pas la même chose ici. »
M. Richard BOUIGUE a repris la parole à son tour :
« Mme MONTANDON, je le répète. Nous n’avons pas eu à ce jour à nous prononcer sur un permis de construire. Après, vous savez ce qu’il en est. Entre l’enveloppe des promoteurs, c’est-à-dire le potentiel d’urbain et d’optimisation urbaine et ce que l’on négocie après, il y a une marge. Sur l’ensemble des projets de cette mandature, nous n’avons jamais été au
maximum d’exploitation et d’optimisation foncière permise par le PLU. Nous avons toujours prévu dans l’action de la mairie les projets des promoteurs à la baisse pour que cela soit plus conforme aux attentes urbaines et des riverains. Puisque vous nous interpellez sur In’Li, et je laisserai la Maire vous répondre, la chronologie n’est pas exactement celle que vous évoquez. Je me suis beaucoup impliqué dans ce dossier et je crois que la chronologie, je la connais mieux que vous sur ce dossier. Il n’y avait pas de concertation au départ. Pas du tout. Nous en avions demandé une. Quand elle a été mise en place, nous avons nous-mêmes dit que les conditions de cette concertation n’en faisaient pas une. Nous avons demandé à ce que cette concertation soit décidée entre les locataires, les 381 familles qui sont dans ces immeubles, et la société In’Li. Il y a des choses qui ont avancé, mais pas toutes, ce qui fait que notre décision a été claire depuis le début. Sans une véritable consultation, nous ne validerions pas un projet et un permis de construire sur cette adresse. C’est ce qui a été le cas jusqu’à aujourd’hui. »
Et Mme BARATTI-ELBAZ, la maire du 12ème arrondissement, a ajouté :
« Et s’il y a eu rétropédalage, ce n’est pas de la mairie, mais du promoteur. En l’occurrence, à cette adresse, c’est ce qui va se passer également. Un promoteur, légitimement, investit sur une parcelle. Je vous laisse estimer le prix de cette parcelle à cette adresse, à l’heure où nous évoquons le prix du mètre carré à Paris. Ensuite, il y a le Plan Local d’Urbanisme. Les promoteurs savent le lire. Ils savent l’exploiter. Donc un promoteur, ce n’est pas un service public. C’est un promoteur privé qui a acheté une parcelle. Là, il a acheté un garage. Il est propriétaire du garage. Ensuite, il décide de faire évoluer sa parcelle. Il se conforme aux règles du PLU. Le PLU dit que 60 % de logements sur toute surface construite, et sur ces logements, 60 % de logements sociaux. À partir du moment où ce promoteur privé respecte cela, le permis de construire pourrait être délivré. Il n’y a pas 15 000 manières pour les élus de s’opposer à un projet. Si le projet est conforme aux PLU, nous avons assez peu d’outils. Tout ce qu’a dit Monsieur BOUIGUE est vrai. Nous avons porté notre vision sur cette parcelle, et les revendications légitimes que nous avons pu entendre de la part des habitants. Mais aujourd’hui, rien n’oblige le promoteur à respecter ces attentes. Rien, juridiquement. Et si nous donnons un avis négatif au permis de construire, ce qui nous est arrivé, nous pouvons être attaqués de refus abusif. Comme il peut y avoir des attaques de recours abusif sur certains recours portés par les uns et par les autres. Il peut y avoir des condamnations pour des recours abusifs. À un moment donné, il faut avoir un discours de vérité sur ses projets urbains. Ils font débat. Et c’est légitime. Ils sont importants sur la vision que nous voulons avoir les uns et les autres de la ville de demain. Mais attention. Le PLU dit des choses, et si le promoteur se conforme à ce PLU, les élus, que nous sommes, avons assez peu de moyens pour bloquer ces projets. Nous avons donc toujours porté l’idée de la discussion et de la concertation avec les habitants, ce qui n’était pas forcément au départ une intention spontanée des promoteurs. Mais nous l’avons fait sur d’autres projets. À la caserne de Reuilly, ce projet avec des bâtiments nouveaux, de la rénovation de l’ancien, n’a pas eu de recours parce que nous l’avons porté en concertation. Sur ce projet, qui arrive dans une période particulière, nous avons beaucoup été surpris. Nous avons découvert ce projet il y a très peu de temps. Nous continuerons à accompagner les riverains dans la discussion avec le promoteur, parce que je pense que ces discussions sont légitimes.
Je crois que nous avons répondu à votre question orale. »