Partage d'un extrait de la date du 9 juillhttps://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251445366/journal-1939-1945et 1941 du journal de Maître Maurice Garçon, sur le rassemblement national
« Le rassemblement national, organisation formée par des Français sous la protection presque avouée des Allemands, consiste en la formation d’une légion d’hommes de main destinée à prendre tôt ou tard le pouvoir où à tâcher de le prendre au profit de la « collaboration ».
Actuellement, elle recrute des volontaires destinés à former un corps expéditionnaire qui combattra les Russes aux côtés des Allemands. C’est un premiers pas vers une alliance militaire qui mettra des Français en armes dans les rangs du vainqueur. Que donnera cette initiative ? je ne sais. Il est bien possible qu’on trouve quelques milliers d’écervelés ou d’aventuriers pour s’engager. Le gouvernement de Vichy protège l’entreprise, preuve évidente de sa collusion avec les Allemands.
Mais là n’est pas la question. le rassemblement national a besoin de locaux pour établir ses bureaux de recrutement. Hier, les organisateurs et leurs hommes de main se sont répandus dans Paris et ont forcé la porte de boutiques rendues vacantes par la liquidation de commerces juifs.
C’est une intolérable violation de domicile prévue par l’article 184 du code pénal. Le parquet ne bouge pas et laisse faire.
Par curiosité, j’ai interrogé le procureur. Il m’explique il n’y a pas de délit.
– L’article 184 prévoit l’introduction du coupable à l’aide de menaces et de violence dans le domicile d’un citoyen… Une boutique n’est pas un domicile… On n’y couche pas.
Ô Bienfaisant byzantisme !
Ce matin, les Allemands ont fait un défilé triomphal de l’Arc de triomphe à la place de la Concorde. Depuis deux jours, ils l’avaient annoncé. J’avais pensé que l’avenue des Champs-Élysées serait déserte. Une fois de plus, je me suis trompé. Les Parisiens sont décidément immondes. Il paraît qu’ils se sont rendus en foule sur le lieu du défilé comme à une revue du 14 juillet. Dès l’aube, les gens stationnaient le long des trottoirs avec des petits bancs. On voulait voir. Et l’armée ennemie a défilé devant des haies de Français ébaudis. On n’en a pas tué assez pour qu’ils comprennent.«