Matthieu Seingier : Bonjour madame le ministre, merci de nous consacrer un peu de votre temps. Cet entretien nous a paru utile car, en tant que chef de l’opposition au conseil régional, vous pouvez nous éclairer sur certaines actions de la Région qui ont un impact sur le 12e arrondissement. Par exemple la Région est en charge des Lycées et nous avons appris que les travaux des Lycées Arrago et Chennevières-Malézieux sont très en retard. Comment expliquez-vous cela ?
Valérie Pécresse : Depuis trop longtemps, la région Île-de-France souffre d’immobilisme. Alors que nous traversons une crise sans précédent, la région devrait être en première ligne sur le front de l’attractivité économique, de l’emploi, de la formation professionnelle ou encore de l’insertion des jeunes. Je suis atterrée de voir que la première région de France s’enlise et que la majorité
de gauche au Conseil régional n’a ni projets ni vision à proposer aux Franciliens.
La situation des lycées (une compétence obligatoire des régions) est révélatrice de la mauvaise gestion de la gauche au pouvoir à la région depuis plus de 16 ans. Ces cinq dernières années, la situation de la rénovation et de la construction des lycées s’est particulièrement aggravée : en 2010 un tiers des opérations de rénovation-construction était en retard, aujourd’hui ce ne sont deux
opérations sur trois qui sont en retard. En tout, dans toute l’Île-de-France, ce sont 109 chantiers de rénovation ou de construction qui sont en retard ou abandonnés. Cette gestion calamiteuse a un impact sur les familles et le 12e arrondissement n’est malheureusement pas épargné.
Les élèves du lycée Chennevières-Malézieux auraient dû avoir un lycée rénové dès cette rentrée, ils ne l’auront qu’en 2018, cela n’est pas acceptable ! De même, le lycée Arago que vous évoquez affiche déjà près d’un an de retard par rapport au calendrier initial. La mauvaise gestion des lycées par la région s’accompagne d’un désengagement budgétaire massif : depuis 2006, Jean-Paul Huchon a diminué de 138 millions d’euros (M €) les investissements dans les lycées quand sur la même période il augmentait les subventions aux associations de 198 M €.
Entre 2008 et 2013, la dépense par lycéen francilien a diminué de 455 euros. La Région socialiste a fait un choix politique contre la jeunesse.
Valérie Montandon : Vous êtes favorable pour une réforme du bac. Dans quel sens ?
Valérie Pécresse : Bien que la France soit l’un des pays d’Europe qui investit le plus dans son éducation, nous sommes loin d’être en tête dans les classements internationaux. A partir de ce constat, il faut apporter une solution en s’inspirant de ce qui marche ailleurs.
Fondé sur le bachotage et l’accumulation de matières, je considère que notre système éducatif n’est plus adapté à notre époque. Une réforme profonde de l’école s’impose. Le lycée doit être consacré à l’approfondissement et à la spécialisation. Je propose de créer un bac à 6 matières fondamentales plutôt que douze, ce qui est amplement suffisant pour évaluer un élève.
Les professeurs verraient également leur métier revalorisé, car les lycéens qui choisiraient leurs matières le feraient avec l’envie d’apprendre. Les économies réalisées grâce à cette réforme du baccalauréat seraient réinjectées dans l’école primaire et le collège pour renforcer l’apprentissage des fondamentaux qui sont la lecture et le calcul.
Matthieu Seingier : Par sa position mitoyenne avec de nombreuses villes de la petite couronne, les habitants du 12e n’hésitent pas à traverser le périphérique. C’est pourquoi, le débat du Grand Paris a pu résonner ici comme un espoir de simplification. Seulement, « la Métropole », annoncée en 2016, correspond à une strate administrative supplémentaire. Pourquoi ne parvient-on pas à une véritable amélioration administrative ?
Valérie Pécresse : La Métropole du Grand Paris est assez symptomatique des réformes conduites par François Hollande. L’objectif affiché était de simplifier la carte administrative pour réduire les dépenses publiques et supprimer la barrière du périphérique. Au final, on va finir par créer un échelon administratif supplémentaire, en plus de la ville de Paris, des départements et de la région Île-de-France, donc des dépenses et des impôts en plus. Quant à la barrière du périphérique, elle ne sera pas supprimée mais simplement repoussée de quelques kilomètres.
Je pense qu’il faut supprimer un niveau administratif et renforcer la région car c’est le bon échelon pour gérer les problématiques des transports, le logement ou le développement économique.
Valérie Montandon : Le gouvernement vient d’annoncer le calendrier des élections régionales. Elles seront finalement repoussées en décembre 2015. N’est-ce pas un peu tard ?
Valérie Pécresse : Pour ma part, ça ne change rien. Je suis prête. Je sillonne l’Île-de-France depuis plus de quatre ans, je bâtis mon projet, je suis à l’écoute des Franciliens et je leur donne la parole. Reporter les élections pour repousser un nouveau désaveu pour François Hollande et son gouvernement n’a aucun sens. Ce tripatouillage électoral a juste accéléré le discrédit du gouvernement.
Depuis plus de cinq mois, nous sommes dans l’improvisation la plus totale. Qui peut dire aujourd’hui à quoi ressemble la réforme territoriale ? Combien de régions ? Quels périmètres ? Quelles compétences ? Quel calendrier ?
Je ne suis pas sûre que Manuel Valls lui-même en ait la moindre idée ! Je suis convaincue que la volonté d’alternance en Île-de-France croît un peu plus chaque jour, et qu’aucun report électoral ne pourra l’arrêter.
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