Aujourd’hui en 2014, la dernière grande zone à aménager sur la commune de Paris est la zone de Bercy-Charenton. Cette zone qui relie le quartier de Bercy à Charenton dans le Val de Marne s’étend dans le 12eme arrondissement sur 63 hectares.
Un groupe constitué de l’architecte Rogers associé aux ateliers Jean Nouvel a travaillé sur une vision à long terme de l’évolution de ce quartier.
Ce travail remarquable était de nature prospective et exploratoire, appuyé sur des compilations de documents et projets techniques en cours. Il nécessitait de nombreuses études complémentaires tant sur ces aspects de typologie foncière que de la nécessité de trouver des financements.
Il a fallu attendre le conseil de Paris des 6 et 7 juillet 2009 pour voir prises des délibérations (2009 DU 73) destinées à lancer des « marchés de prestations intellectuelles », autrement dit d’autres études onéreuses, encadrées par les objectifs de la Ville de Paris, eux-mêmes issus d’une étude rendue en mai 2008 par l’une des administrations, l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR)…
Que le lecteur excuse la litanie qui suit mais en juge : prolongement de la rue Baron Le Roy, élargissement du quai sous le pont national, « création d’un cheminement piéton entre le boulevard Poniatowski et l’immeuble « Lumière », de « logements, notamment sociaux », de « programmes à vocation économique », d’un centre de tri de déchets, à quoi s’ajoutent pêle-mêle la possibilité d’accueil de foires et de cirques, la construction d’une gare de RER D et de desserte de bus, l’aménagement des berges de Seine, la reconfiguration de l’échangeur de Bercy, la mise en valeur du bastion n°1…
Le 23 juin 2010, c’est l’architecte-urbaniste Richard Rogers – co-auteur du centre Pompidou – (plus précisément l’agence Rogers Stirk Harbour + Partners) associé aux Ateliers Jean Nouvel (qu’on ne présente plus) et à l’agence TVK qui ont finalement été désignés pour réfléchir à cet aménagement.
Leur compte-rendu, présenté le 16 mars 2012, vaut le coup d’être visionné :
Cliquer sur l’image pour visionner le film le diagnostic « Bercy-Charenton »
Ce travail remarquable était de nature prospective et exploratoire, appuyé sur des compilations de documents et projets techniques en cours. Il nécessitait de nombreuses études complémentaires tant sur ces aspects de typologie foncière que de la nécessité de trouver des financements.
Mais moins d’un an après la désignation de l’équipe d’urbanistes, une réunion publique, en présence du premier adjoint, Anne Hidalgo – décidément déjà en campagne pour la succession de M. Delanoë – a été organisée le 11 mai 2011. Une seconde l’a été également le 11 novembre 2011.
Ces réunions sont, il faut l’avouer, des succès en termes de participants (au moins 250 personnes pour la première) ce qui montre que de nombreux Parisiens étaient intéressés par les projets d’aménagement dans leur quartier.
Mais est-ce que ces réunions peuvent réellement être qualifiées de concertation ?
En effet, il importe de s’arrêter sur ces deux réunions car elles illustrent parfaitement la manière dont les élus municipaux prétendent écouter les citoyens : d’une part, sur la forme de ces deux réunions, animées par une société privée (société Etat d’Esprit), ce qui laisse franchement dubitatif sur la gestion de la ville de Paris. Alors que le personnel a explosé durant ces deux derniers mandats, notamment dans le cabinet du maire à des fonctions de communication, on se demande ce qui peut justifier de faire appel à des « professionnels de la conduite de concertation »…
D’autre part, en ce qui concerne le fond, rien de nouveau n’a été annoncé dans la première réunion (en tout cas pour toutes les personnes qui suivaient déjà le dossier). Encore moins sur la liaison entre le quartier de Bercy et la nouvelle station de tramway censée le desservir pourtant objet de questions multiples des habitants (au bout de la rue Baron Le Roy).
Loin de nous de critiquer l’appel à la participation des habitants. C’est l’interférence entre un travail de réflexion par des professionnels de l’urbanisme et des amateurs qui est très gênant. Bien pire, l’infantilisation des habitants est encore plus critiquable.
D’ailleurs, les enfants des écoles Gerty Archimède et 315 Charenton ont également pu « poser leur pierre au projet » et « imaginer la ville de demain ».
Enfin, une « exposition publique » a été présentée pendant les mois de novembre et décembre 2012. Ceux qui prennent régulièrement la ligne 14 du métro à la station « Cour Saint-Emilion » se souviennent en effet de ces quelques panneaux explicatifs de la concertation en cours.
D’ailleurs, la lecture du site de la ville ne permet pas de s’y tromper : « [cette exposition] proposait la synthèse du diagnostic du site et expliquait les premières propositions du plan guide. ».
La phase de concertation s’est achevée par une journée portes ouvertes le 29 juin 2013 et l’exposition était à nouveau présentée dans les chais de Bercy.
En tout état de cause, aucun aménageur n’a été désigné pour l’instant et la modification du plan local d’urbanisme portant création d’une Zone d’aménagement concerté (ZAC) est programmée en 2014 !
Effectivement, dans sa dernière assemblée avant les vacances d’été 2013, le conseil de Paris a adopté une délibération (2013 DU 212) portant les « objectifs poursuivis et modalités de concertation publique dans la perspective de la création d’une ZAC dans le secteur « Bercy Charenton« . Si vous voulez en prendre connaissance, le lien est ici. Vous n’y apprendrez pas grands choses car elle reprend nombre d’objectifs déjà proposés par l’APUR en 2008 (à noter néanmoins l’abandon de la stupide idée d’y implanter la foire du Trône et une proposition nouvelle de taille : la « création de nouveaux espaces verts récréatifs« ).
Aujourd’hui, après 12 ans de mandat et 6 années d’études, alors même qu’une équipe d’architectes urbanistes de renom s’est penchée sur le sujet, la future zone d’aménagement « concertée » porterait sur 13 hectares seulement.
Quand on sait qu’il ne faut pas moins de 15 ans pour rendre vivante une zone d’aménagement (cf le quartier de Bercy, le quartier Seine Rive Gauche), on peut s’interroger sur la capacité de la Mairie sortante à gérer les grands projets.
En effet, dans ce Paris devenu métropole, doit-on avoir une ambition pour ce vaste territoire qui relie Paris à Charenton.
Oui, il doit être de lieu d’une ambition, d’un concept, et programmé sur le long terme dans un grand territoire métropolitain multipolaire.
Le débat est donc aujourd’hui encore totalement ouvert pour exploiter au mieux ce site qui contribuerait à l’expansion de la ville.
Matthieu SEINGIER et Vincent HAM