Article rédigé le 25 janvier 2013 pour le feu blogue "12ensemble.com"
Comme de nombreux habitants du 12e arrondissement, vous avez certainement apprécié de recevoir un magazine, certainement très couteux, auquel vous êtes abonnés sans le demander et que vous payez avec vos impôts : le magnifique “T3 mag” de janvier 2013, le magazine, imprimé en “Optimisa” sur papier 100 % recyclé, consacré à la ligne 3 du nouveau tramway qui circule dans notre arrondissement.
Dès les premières lignes, vous êtes pris dans l’ambiance : “Le 15 décembre 2012, les riverains, les commerçants et tous ceux qui les ont rejoints ont partagé un grand moment festif pour célébrer ensemble sa mise en service. Percussions, batucada, slam, fanfare, magie, poésie et lutins… la fête a été chaleureuse autour du tramway“.
Incroyable. le T3 mag nous offre un passage tout droit sorti de l’imaginaire de Philippe Muray… Ah non, il y a un édito du maire de Paris. C’est n’est pas une référence mais bien la réalité !
Comparez le style :
Le nouveau rebelle est très facile à identifier : c’est celui qui dit oui. Oui à Delanoël. Oui aux initiatives qui vont dans le bon sens, aux marchés bio, au tramway nommé désert, aux haltes-garderies, au camp du progrès, aux quartiers qui avancent. Oui à tout.
Sauf à la France d’en bas, bien sûr, et aux ploucs qui n’ont pas encore compris que la justice sociale ne débouche plus sur la révolution mais sur un séjour d’une semaine à Barcelone défiant toute concurrence.
Par opposition à son ancêtre le rebelle-de-Mai, ou rebellâtre, on l’appellera rebelle à roulettes. Car la glisse, pour lui, est une idée neuve en Europe. Le rebelle-de-Mai est d’ailleurs mal en point, par les temps qui courent. Ce factieux assermenté, qui riait de se voir éternellement rebelle en ce miroir, ce spécialiste libertaire des expéditions plumitives sans risques, écume de rage depuis qu’on s’est mis à l’accuser de complicité avec les « pédocriminels ».
Le rebelle à roulettes, en revanche, a le vent dans les voiles et vapeurs. C’est un héros positif et lisse, un brave qui défie à vélo les intempéries. Il est prêt à descendre dans la rue pour exiger une multiplication significative des crèches dans les centres-villes (le rebelle à roulettes est très souvent un jeune ménage avec enfants).
Il aime la transparence, les objets équitables et les cadeaux altruistes que l’on trouve dans les boutiques éthiques. Il applaudit chaque fois que l’on ouvre une nouvelle brèche législative dans la forteresse du patriarcat. Il s’est débarrassé de l’ancienne vision cafardeuse et médiévale du couple (la différence sexuelle est quelque chose qui doit être dépassé). Il veut que ça avance. Que ça avance. Que ça avance. Et que ça avance.
Et ce n’est vraiment pas à son intention que Bernanos écrivait, peu après la dernière guerre : « Ce monde se croit en mouvement parce qu’il se fait du mouvement l’idée la plus matérielle. Un monde en mouvement est un monde qui grimpe la pente, et non pas un monde qui la dégringole. Si vite qu’on dégringole une pente, on ne fait jamais que se précipiter, rien de plus. »
Le rebelle à roulettes descend et il croit qu’il bouge. C’est pour ça qu’il est entré dès son plus jeune âge dans la secte des Avançistes du Septième Jour. À Paris, il a voté Delanoël, rebelle d’Hôtel de Ville. Car, comme ce dernier, il est contre le désordre. À fond. « Nous sommes les candidats de l’ordre », avait d’ailleurs proclamé le Delanoël dans son dernier meeting de campagne. Et en effet, il n’y a plus qu’un désordre, plus qu’une anarchie : ne pas être en phase avec l’idéologie du rebelle à roulettes.
C’était un extrait du Rebelle à roulette de Philippe Muray issu du Tome III des “Exorcismes spirituels” publié aux éditions “Les belles lettres” en 2002.