Voici l’introduction de ma question orale (ci-dessous) posée lors du Conseil d’arrondissement sur la réhabilitation de l’ensemble « Erard-Charenton » géré par Paris Habitat :
Comme il y a du public, je vais reposer le contexte de la question. Erard-Charenton est un ensemble social de 519 logements qui est géré par Paris Habitat, dont le slogan est « Vivre ensemble la ville », et qui met régulièrement en avant le côté social de son œuvre, mais qui a malheureusement employé des travailleurs détachés, c’est-à-dire des travailleurs étrangers qui sont soumis au régime étranger pour travailler en France, pour des travaux de réfection avec présence d’amiante. Normalement, il faut une formation spécifique pour l’amiante.
Ces travailleurs ont manifesté auprès des habitants pour dénoncer leurs conditions de travail. Il y a eu une mobilisation d’élus qui a pu générer un vœu qui a été adopté à l’unanimité du Conseil de Paris et qui a également généré des contrôles d’inspecteurs du travail qui ont permis de dénoncer un nombre important de manquements.
Cette question est aussi l’occasion de se féliciter de l’action d’élus locaux qui parfois peuvent permettre de mettre fin à des situations dramatiques. Dans le cadre de ce vœu qui avait été adopté en Conseil de Paris, nous avons souhaité connaître le taux des travailleurs détachés, mandatés par les bailleurs sociaux. Il n’y a toujours pas eu de réponse. Est-ce que le chantier d’Erard-Charenton est enfin conforme au droit du travail ?
La réponse partielle de l’exécutif, par Mme Eléonore SLAMA, Adjointe à la Maire du 12e arrondissement, Conseillère
d’arrondissement :
Permettez-moi de vous dire que nous sommes très attentifs aux dérives causées par le recours abusif aux travailleurs détachés, notamment sur les chantiers du BTP, et à la distorsion de concurrence sur une part du marché du travail européen. Nous sommes tous agréablement surpris par le soudain intérêt de votre
formation politique pour cette question.Dans le cadre de la priorité donnée au logement par la Ville de Paris, l’ensemble des acteurs du logement, au premier rang desquels les bailleurs, sont engagés dans les programmes nombreux de construction et de réhabilitation. Il ne faut pas oublier que cette dynamique est créatrice d’emplois et qu’elle permet le maintien d’entreprises, notamment parisiennes, du bâtiment, grâce aux nombreux marchés engagés, et nous en sommes particulièrement fiers. Pour autant, la vigilance s’impose face aux dérives qui touchent encore trop souvent les entreprises du BTP noyées dans la complexité du recours à des entreprises de sous-traitance sur les chantiers. Il est souvent bien difficile pour les maîtres d’ouvrage, même les plus vigilants, d’éradiquer ces pratiques sur les chantiers. En 2015, ce sont plus de 286 000 travailleurs détachés qui ont été déclarés à l’administration française, soit une hausse de 25% par rapport à 2014.
Cette vigilance relève-t-elle directement de notre Conseil d’arrondissement et de ses compétences ? Je ne sais pas. Ou plutôt des conseils d’administration des bailleurs sous l’égide de la Maire de Paris ? Peu importe, nous vous répondons bien volontiers ce soir, sans être dupes des attaques répétées de votre groupe politique à l’échelle parisienne contre le principal opérateur de logement social, Paris Habitat, et dans le 12e contre la réhabilitation du groupe Erard-Charenton. Mais n’entrons pas dans de vaines polémiques.
Dans le 12e arrondissement comme au Conseil de Paris, nous sommes vigilants face à la fragilisation de l’emploi dans le secteur du bâtiment, et soutenons les contrôles de plus en plus fréquents, ainsi que les sanctions nouvelles mises en place par le Gouvernement. Celles-ci ont permis de mettre en lumière et de mesurer un phénomène qui jusque-là passait trop souvent entre les mailles du filet du droit français et du droit européen. Nous soutenons le travail engagé par la Commission européenne, la France en tête, qui souhaite imposer un salaire égal pour un travail identique afin de réduire les inégalités entre salariés d’un même pays, et pour l’avènement d’une Europe plus sociale.
Pour revenir sur le cas du chantier Erard-Charenton, je m’en tiendrai à une réponse essentiellement factuelle. J’éviterai, contrairement à vous, tout terme diffamatoire, non avéré ou excessif. Vous semblez être en possession d’informations dont vous seuls avez la connaissance, et vous accusez la majorité de n’avoir pas mesuré l’ampleur de ce douloureux dossier malgré le vœu voté à l’unanimité au Conseil de Paris. Vœu que la majorité municipale a souhaité plus étendu que le vôtre, qui ne pointait qu’un seul chantier et qu’un seul bailleur, car nous souhaitons traiter cette problématique de manière plus globale.
Comme vous le précisez, l’Inspection du Travail a bien visité le chantier ErardCharenton au mois d’avril. Je tiens à le préciser dès maintenant, c’est bien la seule information délivrée par M. SEINGIER que nous avons pu vérifier. Lors de ce contrôle, des ouvriers venus de l’une des entreprises de sous-traitance ont pris la fuite sans
décliner leur identité. Suite à cela, l’entreprise générale employée par Paris Habitat a immédiatement résilié le contrat de cette entreprise sous-traitante. Cette entreprise avait été agréée par Paris Habitat en octobre 2014 sur la base d’un dossier totalement conforme à la législation, comprenant notamment la liste nominative des salariés étrangers soumis à une autorisation de travail. Cet incident est regrettable et malheureusement bien trop courant sur les chantiers de construction. Une nouvelle entreprise a été conformément agréée par Paris Habitat, et, contrairement à ce que vous affirmez, le chantier n’a jamais été arrêté, car plusieurs entreprises y travaillent
quotidiennement.Les informations en votre possession nous semblent en grande partie erronées et imprécises. Nous attirons votre attention sur le fait qu’il s’agit de problématiques complexes, méritant un débat précis et qualitatif. Aucun élément ne nous permet de remettre en question l’engagement de Paris Habitat sur la question du respect de la réglementation des travailleurs détachés, et aucune législation ne nous permettrait de répondre en lieu et place du bailleur sur cette question. Nous avons cependant tenu à vous apporter ces premiers éléments rassurants et à réitérer notre attachement au respect du droit du travail. Notre volonté de produire du logement pour toutes et pour tous dans notre ville comme d’améliorer la qualité de vie des locataires dans nos résidences d’habitat social est tout aussi déterminée. Je vous remercie.
Mme BARATTI-ELBAZ, Maire du 12e arrondissement, Conseillère de Paris :
Merci beaucoup. Etant donné la précision des informations qui vous ont été données, si vous le souhaitez, nous pouvons vous transmettre par écrit ces éléments de réponse, ce qui facilitera votre travail de retour vers les personnes qui vous ont saisi.
M. Matthieu SEINGIER, Conseiller d’arrondissement :
J’accepte volontiers de recevoir ces informations par écrit. Sur la manière dont nous obtenons les informations : les élus locaux ont aussi le devoir d’aller chercher l’information sur leur territoire. Oui, je maintiens mes informations, et je ne vois pas où est le problème. La question concernait tout Paris. Il y avait un premier volet uniquement sur Erard-Charenton, et le second portait sur tout Paris. Mais comme votre réponse était rassurante, votre réponse écrite devrait également me rassurer. Merci.
La question orale en question :
Madame le maire,
L’ensemble dit « Erard Charenton » géré par Paris Habitat fait l’objet d’une réhabilitation (plus que nécessaire), qui bénéfice de financements de la Ville de Paris à hauteur de 5,1 millions d’euros,
soit 40 % de son coût total.Ce chantier suscite de nombreuses questions légitimes, notamment sur un défaut d’information des locataires sur le désamiantage ; sujet désormais porté vers d’autres instances que la nôtre.
Le désamiantage ne sera donc pas abordé dans la présente question mais il est évoqué car il a permis de révéler un autre problème, à savoir celui de l’exploitation de travailleurs étrangers, pour effectuer cette tâche dangereuse.
C’est précisément Madame Valérie MONTANDON, au nom du groupe Les Républicains, qui avait déposé un vœu sur l’emploi non conforme à la législation, de travailleurs détachés sur ce chantier, devant le Conseil de Paris (V. n°56), qui a été adopté à l’unanimité lors de la séance du 15 février 2016.
Certainement pour ne pas entacher la réputation de Paris Habitat et ne pas perdre la face, l’exécutif avait certes demandé que le considérant du projet vœu mentionnant « Erard Charenton » soit censuré, ce qui a été fait, avant d’émettre un avis favorable. Mais le problème était avéré.
En effet, depuis l’adoption de ce vœu, l’inspection du travail s’est effectivement rendue sur place, en avril dernier, et a relevé de graves manquements, notamment le fait que des ouvriers issus d’Europe de l’Est ne percevaient pas leurs salaires, déjà bien inférieur aux salaires français, depuis plusieurs mois.
Ce vœu est déjà l’occasion de regretter que vous n’ayez pas mesuré l’ampleur de ce douloureux dossier, tout comme Paris Habitat pourtant dument informé, notamment au regard de la détresse des ouvriers, qui heureusement ont pu compter sur l’aide des locataires sensibles à leur situation.
En conséquence, le chantier a été arrêté, engendrant encore du retard, nuisible pour la qualité de vie des habitants. Il a repris la semaine du 16 mai, avec de nouveaux ouvriers.
C’est la raison pour laquelle nous vous interpellons pour savoir :
- D’une part, si la société choisie par Paris Habitat sur le chantier de l’ensemble « Erard Charenton » s’est conformé au droit du travail r, notamment sur l’application des dispositions très précises relatives à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs
- D’autre part, si vous pourriez interrogez l’exécutif de la Ville pour savoir quand elle entend appliquer le vœu n°56 de Valérie Montandon susmentionnée, adopté à l’unanimité, pour enfin connaître le taux de travailleurs détachés des entreprises mandatées par des bailleurs sociaux pour effectuer des travaux de réhabilitations et constructions dans leur ensemble de la Ville de Paris et de bénéficier d’un état de lieux de la situation des ouvriers détachés sur les chantiers comportant de l’amiante afin d’assurer qu’ils soient formés par un organisme ou centre de formation certifié.