Voici ma position déposée le 9 mars 2018 dans le registre de l’enquête publique sur le lac Daumesnil.
Avant de reproduire le texte de cette contribution (Lire la version en PDF), il convient de rappeler que la donne avait changer.
En effet, le dossier de l’enquête publique permet d’appréhender le dossier dans sa globalité et de se rendre compte que le projet était totalement attentatoire à l’environnement, comme nous l’avions déjà souligné.
C’est la raison pour laquelle une fort mobilisation s’est créée autour de la défense du lac Daumesnil. Une réunion a été organisée, le 3 mars 2018, par plusieurs collectifs (dont Mont14 ou Feu au lac) qui a rassemblée une centaine de personnes très mobilisée (photo ci-jointe).
J’ai pu m’y exprimer et faire part de ma position négative tout en invitant, comme de nombreux autres intervenants, à venir s’exprimer massivement dans l’enquête publique.
Et la participation à l’enquête publique fut massive.
Et il n’y avait d’ailleurs plus assez de place pour accueillir les participants à la dernière permanence de l’enquêteur public du 8 mars 2018… date où le Parisien annonçait que le projet serait abandonné (voir ici : le projet de baignade au lac Daumesnil tombe à l’eau).
Décidé à déposer ma contribution au dernier moment (comme annoncé ici), j’ai donc dû en modifier l’introduction en raison de l’annonce précédente :
Monsieur le président,
J’ai l’honneur de vous adresser les observations suivantes dans le cadre de l’enquête publique visée en objet.
A titre liminaire, je souhaite néanmoins préciser que ces observations sont communiquées dans le cas extraordinaire où le projet en question serait maintenu par l’exécutif.
En effet, alors que je m’apprêtais à conclure les présentes observations, j’ai appris par la presse, comme vous j’imagine, puisque vous teniez une permanence en mairie du 12e arrondissement au moment même où a été diffusée l’information, que ce projet pourrait être au mieux annulé au pire reporté sine die.
Cela dit qu’on voici les critiques très fortes que ce projet appelle de notre part, en faveur d’un avis défavorable de votre part :
- Un projet insincère
En septembre 2016, dans le cadre du plan nager à Paris, le projet présenté aux assemblées délibérantes donne l’impression de rendre l’eau du lac Daumesnil accessible à la baignade. Son coût, déjà élevé mais raisonnable au regard de celui d’une piscine en dure, était réservé à 4 millions d’euros, tout en soulignant l’exemplarité du projet sur ses aspects environnementaux (notamment pour la biodiversité dans le bois).
Un an plus tard, un projet totalement différent est présenté. Son coût a été multiplié par deux. Les aspects environnementaux sont volontairement minimisés, comme l’a souligné, entre autres spécialistes, l’Inspection des sites de Paris mais aussi l’opposition municipale, en Conseil du 12e arrondissement et en conseil de Paris.
Sans multiplier l’exemple, un seul suffira : parler de baignade dans un lac est une désinformation majeure.
Le projet est en réalité l’implantation d’un bassin en béton au sein d’un milieu devenu naturel avec le temps et dont l’accès sera réservé à quelques personnes qui auront pu accéder à l’île de Bercy, également site protégé.
Ce seul argument entre dans la liste des inexactitudes, omissions ou insuffisances cumulées d’éléments majeurs d’appréciation de l’intérêt général du projet.
Or cette manière de procéder, déjà dénoncée par le tribunal administratif de Paris dans le cadre de son jugement du 21 février 2018 (req. N°1619463, 1620386, 1620420, 1620619, 1622047/4-2) relatif à la piétonisation des voies sur Berges, est une atteinte à la sincérité du projet.
Pour cette première raison, ce projet ne peut prospérer.
- Des atteintes à l’environnement irréversibles et inacceptables
En dépit des arguments de l’exécutif, les aspects environnementaux suscitent le plus de doutes sur le projet de baignade au sien du Lac Daumesnil.
Sur la forme, c’est d’autant plus flagrant que les trois-quarts de l’exposé des motifs de la délibération soumise le 6 novembre 2017 y étaient consacrés :
- l’insertion paysagère de la baignade dans le site du Bois de Vincennes (choix des matériaux en conséquence, démontage des installations en dehors de la période d’exploitation, dispositifs de traitement délocalisés proximité, enterrement des cuves, etc) ;
- aucun impact visible sur les sols et leur qualité (forme des bassins inspirée de la courbe actuelle du lac, géomembrane utilisée pour le fonds d’une couleur comparable à celle de l’eau du lac) ;
- revégétalisation d’espaces actuellement en grave calcaire ;
- amélioration de la gestion de l’eau (désimperméabilisation des cheminements , réduction du rejet des eaux de pluie par récupération) ;
- diminution des îlots de chaleur par la création de nouveaux milieux aquatiques ;
- impact faible sur la biodiversité, voire favorable au regard de la création de nouveaux espaces verts et aquatiques
- en dehors des équipements de traitement biologiques, l’éclairage des locaux et du chauffage de l’eau des douches du personnel, aucune consommation électrique.
La réalité semble bien différente.
A l’instar de l’Inspection des sites, de l’autorité environnementale et de nombres d’associations de défense de l’environnement, nous ne pouvons que dénoncer les atteintes irréversibles au site classé du lac Daumesnil, en raison de l’injection de 600 mètres linéaires de béton dans son sol et de la dégradation de l’île de Bercy par l’implantation dans son sous-sol des équipements techniques.
En conséquence, ces modifications de ce terrain vont immanquablement détruire un éco système unique qui s’est développé durant plus d’un siècle et demi.
Bien qu’artificiel, cet espace est effectivement devenu un écosystème singulier. Je ne développe pas ce point dès lors que d’éminents spécialistes vous ont déjà alerté sur les atteintes irrémédiables de ce projet sur les populations faunistiques et floristiques qui se développent dans le lac Daumesnil ou sur ses bords.
D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que ce site est qualifié de zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type II dite du « Bois de Vincennes ».
Néanmoins, du point de vue des riverains, ce site constitue un lieu irremplaçable de transmission de science naturel et, par suite, du respect de l’environnement aux nouvelles générations. Il permet d’observer la nidification ou l’envol d’oiseaux magnifiques ou d’autres espèces animales ou végétales, qui y ont trouver un refuge, notamment sur l’île de Bercy.
Transformer cet île en lieu de plaisance rappelle les maires bétonneurs qui ont saccagé une partie des côtes françaises au nom du développement économique.
Ainsi, ce projet de construire des bassins en béton dans le lac n’est pas un projet écologique, en dépit des autres arguments sur la prétendue eau, non chauffée, sans chlore, filtrée par 2 bassins filtrants de 2 400 mètres carrés et isolée du bassin par rapport au reste du lac.
Bien au contraire, ces installations vont aussi porter une atteinte à l’intérêt paysager du site. Rappelons que le caractère pittoresque du site provient de son inspiration des œuvres d’Hubert Robert. Or le fait que les maçonneries sous l’eau ou en séparation (par des système gonflables) seront visibles permet là aussi de douter de l’aspect pittoresque du site.
De la même manière, la barrière de 2 mètre envisagée tout autour de ce lac pour en protéger l’accès la nuit va mettre en cage le lac !
Et le projet demeure très flou sur l’installation de commerce provisoire qui s’installeront immanquablement, de manière illicite ou sur appel de la ville (comme dans le dispositif Paris Plage), générant à son tour des déchets.
La ville n’étant déjà dans l’incapacité de maintenir la ville propre, il y a de quoi douter, a fortiori, du maintien propre de ce lieu.
En raison de cette atteinte à l’esprit même du lieu et de son environnement, le projet ne peut que recevoir un avis négatif.
- Un coût incertain et non maîtrisé
Comme cela a déjà été évoqué plus haut, l’exécutif municipal avançait un
montant de travaux de 4,08 M€ et un coût de fonctionnement de 450 000 € TTC, à l’occasion du vote de la délibération de septembre 2016.
Le montant des travaux a donc doublé en un an.
Pour ne pas changer depuis que Madame Hidalgo est à sa tête, la Ville de Paris a largement sous-estimé les coûts des la première annonce du projet.
Surtout qu’encore aujourd’hui, le coût de fonctionnement ne semble pas crédible, ne serait-ce que s’il inclut la masse salariale…
Nous sollicitons donc, plutôt que de s’engager dans un projet non maîtrisé qui risque l’échec financier, d’examiner le coût d’une piscine supplémentaire dans le 12e, comme nous l’avons déjà dit (le Plan nager à Paris prévoyait de créer 4 nouvelles piscines, et que l’un des projets a été abandonné (le « rachat » de la piscine du Racing dans le 7e n’a pu aboutir), il serait possible de réaffecter les crédits ainsi libérés à la création d’une piscine dans le 12e).
- Sur la sécurité du public
La préfecture de police a émis un avis défavorable le 25 août 2017.
Depuis, le projet n’est pas plus rassurant sur la manière dont le public sera accueilli.
L’accès au bassin est présenté comme limité à l’île de Bercy et ce qui ferait de l’île de Reuilly une forme de sas d’entrée. Or rien n’est indiqué sur la manière dont le flux de personnes souhaitant en profiter sera gérée, notamment les jours de grande affluence.
Rien ne garantit que des personnes ne tentent pas d’accéder au bassin par la rive sud, la nuit, en dépit de cette barrière déjà mentionné, à moins d’employer un personnel dédié à la sécurité très coûteux au regard de l’aspect présenté comme gratuit de la baignade.
Plus globalement, les conditions d’accueil sur le site sont négligées car les évaluations de la fréquentation ne sont pas précises et ne précisent pas les conséquences sur les voies d’accès (répercussion sur le transport publique ou automobile alors que le réseau routier est déjà saturé) et sur la tranquillité publique.
Ce nouveau motif est une cause d’avis défavorable du projet.
- Sur la salubrité publique
Hormis l’eau dite sans produit chimique, aucun retour d’expérience d’un projet similaire n’est présenté dans le dossier. En revanche, le fait qu’un « dispositif d’effarouchement des oiseaux aquatiques sous la forme de 10 jets d’eau [soient] mis en place en période estivale en dehors des heures d’ouverture et ce, pour des raisons sanitaires liées à la présence d’oiseaux » permet (au-delà des critiques déjà évoqués sur l’environnement) de douter de plus fort de la sécurité du projet en termes de salubrité.
- Défaut de projet alternatif
Si le besoin de lieu de baignade n’est pas nié, il est regrettable que d’autres projets alternatifs n’aient pas été étudiés, à l’instar de l’espace central de l’hippodrome de Vincennes ou de la pelouse de Reuilly.
L’opposition, comme cela a déjà été dit plus haut, prône l’installation dans le 12e d’une vraie piscine, quitte à réutiliser les recherches en matière de bassins filtrants évoqués plus haut et que son bassin ou ses bassins soient découverts en période estivale.
Cela dit, espérons que ce texte ne servent à rien dès lors que ce projet est reporté sine die et profitons de la beauté de ce site, mis en valeur par cette vidéo réalisée par une riveraine du lac que j’ai eu le plaisir de rencontrer dans le cadre de l’enquête publique :