Le plan biodiversité est une forme de feuille de route que la Ville de Paris se confie à elle-même pour protéger et enrichir, comme son nom l’indique, la diversité biologique.
Ce terme « biodiversité » a été défini, en juin 1992, dans le cadre du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, au Brézil, comme « l’ensemble des organismes vivants qui peuplent la terre (animaux, végétaux, champignons, micro-organismes), leur diversité génétique (patrimoine génétique et héréditaire) et la multiplicité des écosystèmes qui constituent le milieu de vie de chaque espèce (forêts, montagnes, fleuves, prairies…).
Ne craignant pas de paraître pour mégalomane, Madame HIDALGO érige ce plan comme un outil de lutte contre le réchauffement climatique.
Le paradoxe est que ce plan comportait encore tout un paragraphe sur la bétonisation du Lac Daumesnil afin d’en faire une baignade, dont il a été montré qu’il constituait un éco-système en soi. Et surtout ce projet a été retiré précisément car il ne présentait pas les garanties écologiques suffisantes.
Cela imposait une intervention de ma part, lors de l’examen du plan biodiversité du conseil d’arrondissement du 12 mars dernier (1) et de celle de Valérie Montandon au conseil de Paris, qui a obtenu le retrait de la mention litigieuse, dans l’intérêt général (2).
1. Ma demande de confirmation du retrait du projet de baignade dans le lac Daumesnil du plan biodiversité et la réponse : cela sera un débat de campagne de 2020.
« Mes chers collègues, tout d’abord nous ne pouvons que nous réjouir d’une nouvelle mouture de ce plan, car je vous rappelle que le précédent plan couvrait la période 2011– 2015. Il n’y avait donc rien en 2016 et 2017. Toutefois, si ce document a le mérite de contenir plus d’objectifs que le précédent, ceux-ci ne sont pas chiffrés. Or, le plan de 2011 comprenait des objectifs chiffrés qui permettaient son évaluation. L’un des rares objectifs chiffrés, à savoir la création de 40 mares humides, n’a été réalisé qu’à 50%, et la Mairie de Paris a annoncé en 2014 30 hectares de parcs et jardins supplémentaires, 100 hectares de murs et toitures végétalisés, et la plantation de 20 000 arbres. Fin 2016, seuls 8,5 hectares d’espaces verts avaient été réalisés.
Selon un classement publié par le MIT, Paris est la ville la moins verte, dans le sens végétal, parmi 26 autres villes du panel. Singapour comporte près de 30% de verdure supplémentaires, tandis que la capitale n’en compte que 9%. New York et Londres sont autour de 12, 13%. J’entends bien que ce débat soit plutôt métropolitain, car les villes précitées ont toutes opéré une réforme institutionnelle pour s’agrandir.
Début 2016, la CRC a relevé que 18 des 20 arrondissements parisiens étaient sous-dotés en espaces verts de proximité dans le cadre d’un rapport sur la politique régionale en la matière. Or, je reviendrai sur ce point avec l’examen de la délibération sur l’esplanade Saint Louis, puisque cette création d’espaces verts dans des espaces déjà urbanisés ne semble pas figurer parmi vos priorités. Vous préférez, comme avec l’esplanade Saint-Louis, créer des espaces verts dans des lieux qui sont déjà proches de lieux verts, comme le bois de Vincennes.
Sur ce point, notamment, on peut s’inquiéter de ce passage dans le plan, où vous indiquez : « dans le cadre de la création d’une baignade dans le lac Daumesnil, sur l’île de Bercy, les impacts sur la biodiversité ont été évalués. Les études réalisées montrent que la baignade aurait eu des effets sur la biodiversité. Néanmoins, la Ville a souhaité profiter de ce projet pour renforcer la biodiversité du bois de Vincennes. Les bassins filtrants constitueront des milieux aquatiques qui viendront enrichir les habitats favorables à la biodiversité dans le bois. La mise en place de la baignade sera accompagnée par la création d’habitats aquatiques, etc. »
Or ce débat a montré, notamment à travers l’enquête publique, puisque de nombreux habitants ont pu se plonger dans le détail du projet, ainsi que d’autres rapporteurs et spécialistes, que le fait de couler du béton dans le lac pour en faire un bassin, tout comme l’ouverture de l’île de Bercy à plus de 75 000 baigneurs en trois mois, tandis qu’y nichent des oiseaux rares, sans parler d’espèces de batraciens ou d’autres plantes et faunes diverses qui en ont fait leur écosystème, allait justement détruire cet écosystème.
Je regrette donc que vous utilisiez le bois de Vincennes comme une réserve de loisirs, ou une réserve foncière – je pense à l’immeuble provisoire Adoma – au lieu de le sanctuariser d’un point de vue écologique. Avant de réserver notre vote, nous aimerions que vous répondiez clairement sur le lac : est-ce que vous y renoncez, ou s’agit-il d’un projet remis à plus tard ?«
Réponse de Mme Catherine BARATTI-ELBAZ, Maire du 12e arrondissement, Conseillère de Paris :
« Merci beaucoup M. SEINGIER pour cette intervention. Nous reparlerons de la baignade à l’occasion d’un vœu qui est déposé à la fin de cet ordre du jour, que vous avez sûrement dû voir, ainsi que les déclarations que nous avons faites dans la presse. Il faut le redire, à ce stade de l’ordre du jour, je vous le confirme solennellement : nous renonçons à ouvrir une baignade dans le lac Daumesnil à l’échéance prévue, c’est-à-dire avant 2020.
Pour l’après 2020, je réserve, j’imagine comme tout le monde ici, le choix des candidats futurs à l’élection municipale sur ce point. Dans tous les cas, notre exécutif renonce à ouvrir cette baignade d’ici 2020. C’est très clair. Par ailleurs, je ne crois pas que vous soyez autorisés à parler du résultat de l’enquête, puisqu’elle est allée à son terme, mais il n’y a eu aucun compte-rendu de cette enquête publique. Je pense donc qu’il est un peu hasardeux de se prévaloir du résultat de l’enquête publique sur cette baignade.«
2. Intervention de Valérie Montandon sur le plan de Biodiversité et la nécessité de préserver le bois de Vincennes, qui obtiendra le retrait du paragraphe en cause
Et voici le texte de l’intervention de Madame Montandon :
Mes chers collègues,
Les plans Biodiversité se suivent et se ressemblent, ils sont toujours remplis de bonnes intentions qui font consensus mais qui ne sont pas, hélas, forcément mis en place et leurs résultats ne sont jamais évalués concrètement.
Si l’on observe l’évolution dans l’un des deux poumons verts de la Capitale, que s’est-il passé dans le bois de Vincennes depuis 2011, date de l’adoption du dernier plan de biodiversité ? Le bois de Vincennes a continué à être utilisé comme réserve foncière avec la construction d’une aire d’accueil des gens du voyage impliquant la viabilisation du site et la construction de ce bâtiment. Il y a eu aussi le maintien du bâtiment Adoma, certes limitrophe au bois de Vincennes, mais qui est tout de même le bâtiment dit temporaire et qui devient permanent, et le maintien de la Foire du Trône sur la pelouse de Reuilly avec aucune étude de relocalisation des activités. Enfin, l’exemple le plus flagrant et le plus récent est celui du projet de baignade du lac Daumesnil, dont les impacts sur le site en termes de biodiversité sont très négatifs.
La Ville a d’abord minimisé ces impacts jusqu’à ce que la pression des associations et des riverains soit trop forte lors de l’enquête publique qui vient juste de s’achever. Vous avez annoncé par voie de presse suspendre cet aménagement. Cependant, dans le Plan Biodiversité, il persiste des contrevérités sur le projet de baignade, par exemple page 22 où il est inscrit, je cite, que « les études réalisées montrent que la baignade aura peu d’effets sur la biodiversité ».
C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui vous demande de bien vouloir retirer ce passage et j’observe que sur table l’Exécutif vient aussi de réagir à ce sujet ; il était temps. Je souris aussi à la tentative de récupération politique du groupe les Ecologistes suite à l’abandon du projet de baignade. Ils avaient voté, je le rappelle, favorablement du début à la fin toutes les délibérations de ce projet et ils se félicitent aujourd’hui de son abandon.
Vous affichez aussi que la Ville de Paris doit être exemplaire et qu’elle applique la biodiversité à toutes les échelles, notamment dans ses documents administratifs. Sur ce point, vous avez encore une grande marge de progression. Dois-je vous rappeler que lors de la révision du règlement de la Foire du Trône sur la pelouse de Reuilly, votre majorité a totalement omis toutes les considérations écologiques sur ce site et que ce sont les amendements de notre groupe, que j’ai défendus en séance, qui ont rétabli que le règlement devait être nécessairement compatible et opposable avec toutes les orientations prises par le Conseil de Paris à travers l’adoption de la charte d’aménagement, du Plan arboricole ou encore du Plan Biodiversité ?
Dans le même esprit, vous fixez des objectifs d’inscrire la biodiversité dans tous les documents d’urbanisme et les plans environnementaux de la Ville. Nous souhaitons enrichir cette action par un amendement qui propose de sanctuariser les espaces verts existants, notamment dans les bois et tous les espaces pouvant être aménagés en espaces verts dans le P.L.U.
Qu’en est-il aussi, mes chers collègues, de toutes les normes de certification environnementale, notamment celles internationales ISO 14001 dans le bois de Vincennes, qui ne sont jamais évaluées et pour lesquelles les vœux que nous avons déposés à maintes reprises et demandant un audit ou une évaluation de leur application n’ont jamais, hélas, abouti à quelque chose de concret ?
Enfin, le rapport de la C.R.C. sur la gestion des concessions dans les bois de Vincennes et de Boulogne est justement, sans jeu de mots, sans concession à votre égard quant au peu de suivi des activités dans les bois.
Bien sûr, nous sommes d’accord avec les orientations et les objectifs du Plan Biodiversité, mais ce que nous voulons par-dessus tout, ce ne sont pas des intentions mais des actes. Début 2016, la C.R.C. a relevé que 18 des 20 arrondissements parisiens étaient sous-dotés en espaces verts de proximité dans le cadre d’un rapport sur la politique régionale en la matière. Selon un classement publié par le M.I.T., Paris est la ville la moins verte parmi les 26 villes du panel. A titre comparatif, Singapour comporte près de 30 % de verdure alors que la Capitale n’en compte pas moins de 9 %.
Monsieur le Maire, la demande d’espaces verts et d’espaces de respiration n’a jamais été aussi forte à Paris et nous ne comprenons pas votre course à la bétonisation dans certains projets ou tentatives de projets, tels que le stade Ménilmontant ou encore les secteurs Léo-Lagrange ou Paul-Valéry. Nous ne comprenons pas non plus que des projets qui devraient être consensuels, comme par exemple l’extension du jardin Debergue, puissent être aussi mal conduits, puisque ce projet retenu consiste à condamner des fenêtres de logements déjà existants.
Nous avons déposé un vœu pour que cette programmation améliore l’intégration des bâtiments et respecte le cœur d’îlot en observant la continuité des espaces libres entre la cité Debergue, la cité du Rendez-Vous et les 71 et 77 avenue du Docteur-Netter.
Madame la Maire du 12e arrondissement, évitez les raccourcis insincères. Je vous rappelle que sur ce projet nous sommes d’accord sur les objectifs de création de jardins, de logements et de la crèche et qu’il suffirait juste d’une meilleure intégration des bâtiments pour obtenir l’unanimité sur ce projet.
Le Plan Biodiversité 2018-2024 ne prévoit pas l’achèvement d’un inventaire complet de la biodiversité avant son échéance. En 2024, l’objectif se limite à 40 % du territoire parisien alors qu’en 2014, 18 % étaient déjà couverts. Nous souhaitons aller bien plus loin car il est fondamental de réaliser des diagnostics et des inventaires pour connaître les effets du Plan Biodiversité et permettre d’en corriger les insuffisances au plus vite.
C’est pour cela que nous vous proposons que le calendrier de réalisation de l’action soit ainsi modifié : pour 2020, 50 % du territoire parisien a fait l’objet d’un diagnostic ou d’un inventaire de biodiversité ou encore en 2024, 100 % du territoire parisien a fait l’objet d’un diagnostic ou d’un inventaire de biodiversité.
La biodiversité se trouve au carrefour de nombreux enjeux : la protection de la planète, la qualité de vie, la pérennité des activités et le lien social. A travers nos observations et l’ensemble de nos amendements, nous nous inscrivons dans une démarche constructive pour vous aider à passer des paroles aux actes.«
A suivre donc, en 2020.
D’ici là profitons pour constater le volte-face de la Ville de Paris qui, en novembre 2017, expliquait que l’atteinte au lac serait « compensé », comme si la nature était une variable technique, par un « bassin filtrant » :